L'ÎLE D'OKINAWA


l'île d'OkinawaOkinawa est l’île principale de l’archipel des Ryukyu. Elle est située à 500 km au Sud de Kyushu, l’île méridionale japonaise, et à 1650 km de Tokyo. Cette petite île d’une superficie de 120 km2 est dotée d’un climat subtropical plutôt doux mais se trouve, de par sa position géographique, sous la menace constante des typhons. On en compte aux abords de ses côtes jusqu’à quarante-cinq par an. L’île est épargnée la plupart du temps mais elle est touchée de temps à autre, et de manière terrifiante. Autrefois, en dehors de la saison des typhons - de mars à septembre - l’eau douce manquait et était souvent rationnée. Au XVIIe siècle, la canne à sucre et les patates douces devinrent les cultures principales de cette île au sol rocailleux et couverte de forêt. Comme l’île était peu fertile, la subsistance de ses habitants dépendait essentiellement de la mer, c’est-à-dire de la pêche et du commerce maritime. Au début du XXe siècle, Okinawa comptait près de 120000 habitants. La culture ancestrale de l’île reflétait l’organisation matriarcale caractéristique de la société Okinawaïenne. Si le pouvoir civil était partagé par un roi et une grande prêtresse, les actions militaires étaient menées au seul nom de la grande prêtresse car les déesses qu’elle servait étaient considérées comme les protectrices du genre humain. C’était aussi la grande prêtresse qui tranchait les litiges et qui officiait à l’occasion des principales cérémonies de la cour. De la même manière, la femme la plus âgée d’une maisonnée présidait aux rites importants de la famille. Aux XVe, et XVIe siècles, la position prédominante des femmes d’Okinawa fut remise en cause par l’influence grandissante du confucianisme et du bouddhisme. Toutefois, malgré cette évolution des mentalités, les femmes okinawaiennes ont en général conservé une position sociale bien plus enviable par rapport aux hommes que les femmes de Chine ou du Japon. Trois royaumes, constamment en guerre, se partageaient l’île. Ils furent unifiés en 1429 sous Sho-Hashi, le fondateur de la dynastie Sho et c’est grâce à un commerce florissant avec la Chine, le Japon et le reste du sud-est asiatique que le royaume de Ryukyu devint prospère. Sous le règne de Sho-Shin (1477-1526) un décret instaura un État confucianiste et il fut alors interdit à la population de posséder des armes.

 En 1609, Okinawa fut envahi par les samouraïs belliqueux de Satsuma, fief situé sur l’île japonaise de Kyushu. Satsuma était le district le plus militarisé du Japon avec une population constituée pour un tiers de samouraïs. Sous le double fardeau des tributs à payer à la cour de Chine et des accords inégaux conclus avec les suzerains de Satsuma pour conserver une indépendance toute théorique, cette petite nation devint peu à peu exsangue. Si les habitants d’Okinawa eurent à souffrir matériellement, il conservèrent toutefois leur riche culture spirituelle fondée sur la musique, la poésie, la danse et en dépit de leurs difficultés ne cessèrent pas de célébrer la vie. Les suzerains de Satsuma renforcèrent l’interdiction de posséder des armes et plus tard interdirent même au gouvernement d’en importer pour assurer sa défense. Le renom du « Paisible Royaume » de Ryukyu parvint jusqu’en Occident. Napoléon lui-même fut surpris d’apprendre qu’il y eût un pays qui réussit à maintenir la paix et l’ordre sans avoir à recourir aux armes. Beaucoup de visiteurs éprouvent encore aujourd’hui le même étonnement devant l’hospitalité, la gentillesse des habitants d’Okinawa et leur aversion pour la violence et le crime. Les habitants d’Okinawa étaient certes privés d’armes mais n’étaient pas dépourvus de moyens de défense. L’interdiction des armes datant du siècle ayant précédé l’invasion japonaise, elle ne sanctionnait donc pas une faiblesse collective mais plutôt une philosophie et n’a pas de ce fait précipité la nation dans le désordre. Les policiers, bien que sans armes, étaient capables de protéger la population et de mater les fauteurs de troubles. Les citoyens savaient eux aussi se défendre d’une manière ou d’une autre contre les voyous et les brigands qui sévissent même dans les sociétés les plus paisibles. La légende selon laquelle des paysans de l’île auraient inventé brusquement le karaté pour se défendre contre les attaques incontestablement brutales des samouraïs de Satsuma, ne semble donc pas reposer sur des bases solides car des techniques de défense à mains nues étaient déjà pratiquées de longue date à Okinawa. La Chine a profondément marqué la culture martiale d’Okinawa. Les marchands de l’île apprirent durant leurs expéditions commerciales en Chine différentes formes de boxe. Des maîtres chinois immigrèrent pour enseigner leur art sur l’île. Les relations étroites qu’Okinawa a entretenues avec la Chine pendant des siècles expliquent la signification originaire du mot karaté que l’on peut traduire par «. main chinoise » et qui désignait les nombreux arts martiaux de l’île inspirés par les boxes chinoises.

Cependant, pour ne pas offenser la Chine, les suzerains de Satsuma ont préféré maintenir l'île sous son protectorat  car officiellement Okinawa était un état vassal de la Chine. La période qui s'étale du 12e siècle jusqu'à 1609 est appelé « Ko Ryukyu » c'est-à-dire « Ancien Okinawa ».
Quoique cette occupation par le clan de Satsuma a ôté une partie de sa liberté à Okinawa, elle amena une meilleure organisation de la vie sociale et supprima une pratique dépassée comme de la sorcellerie et des superstitions. Le grand réformateur d'Okinawa, Haneji Choshu a préconisé une vie sobre tout en se cultivant par une éducation, afin de s'égaler avec des occupants de Satsuma.

Pendant le règne de Tokugawa, le Japon était totalement fermé aux visiteurs étrangers sauf des hollandais, des chinois et des coréens, la politique dite « Sakoku ». Pour faire infléchir cette politique, les Américains ont envoyé 4 bateaux de guerre au Japon sous le commandement du Commodore Perry en 1853, car ils cherchait un débouché commercial et une base navale pour leurs baleinier dans la région.
Avant d'aller au Japon, Perry a effectué une courte escale à Okinawa avec une ferme intention de l'annexer, si le Japon aurais refusé sa demande d'une ouverture. Mais le Japon céda devant une menace de canons pointés sur la ville de Tokyo, et accepta l'ouverture de 4 ports (Traité de Kanagawa). Ils ont signé ensuite un traité similaire avec d'autres puissances de l'époque, la Grande Bretagne, la France et la Russie.
Cette apparente faiblesse du régime de Tokugawa a déstabilisé tout le pan du système féodal japonais et après une guerre civile non seulement entre pour et contre Tokugawa, mais aussi entre pour et contre l'ouverture du Japon, la famille de Tokugawa a rendu tous ses fiefs et pouvoirs en 1868 (« Taisei hokan » ou « Restauration du régime impérial »).
Mais le mouvement ne s'arrête pas là. L'un après l'autre tous les seigneurs japonais ont rendu leur fiefs et le royaume d'Okinawa a été supprimé aussi en 1879 (« Ryukyu shobun » ou « Règlement d'Okinawa »). La période qui s'étale de l'invasion des Satsuma en 1609 jusqu'à cette cette date où Okinawa était semi indépendant s'appelle « Okinawa moderne ».
Les coutumes locales étant très différentes par rapport au Japon proprement dit, le gouvernement central ne voulait pas les modifier brusquement (loi dite « Kyushuonzon » ou « conservation des anciennes coutumes »), mais cette politique a retardé considérablement la modernisation d'Okinawa car elle a favorisé trop d'anciens dirigeants.
A partir de 1920, Okinawa était gouverné exactement comme d'autres départements japonais mais ses habitants restaient très pauvres et beaucoup ont préféré immigrer ailleurs, notamment sur les îles Mariannes que le Japon a héritées de l'Allemagne vaincue en 1919. Mais la vrai calvaire d'Okinawa n'arrive qu'à la fin de la deuxième guerre mondiale.
Craignant qu'Okinawa devienne bientôt un champ de bataille, l'état majeur japonais commença à organiser une évacuation de la population civile non combattante à partir de 1944. Mais cette décision est arrivé trop tard car la mer était déjà infestée de sous-marins Américains. Le 21 août 1944, le Tsushimamaru transportant 1700 passagers, dont 800 écoliers d'Okinawa a été coulé par un sous-marins Américain au large de l'île de Kyushu et fit plus de 1500 victimes.
Contrairement à toute attente (les Japonais ont pensé à un débarquement sur Taiwan), les Américains ont débarqué, le 26 mars 1945, sur les petites îles de Kerama située près de l'île principale d'Okinawa, afin de former une base logistique. Peu défendues, les îles ont capitulé très vite. Quelques jours plus tard, le 1er avril 1945, les Américains ont débarqués sur la plage de Kadena de l'île d'Okinawa afin d'isoler la partie sud où la majorité de la population et l'armée étaient concentrée.
Comme la voie de ravitaillement était coupée, malgré une lutte acharnée avec de fameux pilotes suicidaires « Kamikaze », les défenseurs japonais se reculaient graduellement vers l'extrémité sud de l'île, et la résistance organisée s'est tue le 22 juin avec le suicide du commandant en chef, le général Ushijima Mitsuru.
Cette bataille d'Okinawa était une véritable catastrophe pour ses habitants car il y avait non seulement 90,000 morts parmi les soldats japonais mais 150,000 morts civiles, soit un quart de la population, sans compter innombrables bâtiments historiques et centres culturels d'Okinawa réduits en cendres comme le cas du château de Shuri.

 

Le château de Shuri Le château de Shuri
Une fois Okinawa unifié en 1429 par la dynastie Sho, Shuri est devenu sa capitale. Comme le royaume d'Okinawa était un état vassal de la Chine, toute l'architecture du palais a été fortement influencé par la civilisation chinoise de sorte qu'il crée une ambiance unique au Japon.
Pour cette raison, l'ensemble du château est devenu un trésor national en 1925. Malheureusement, pendant l'opération d'un débarquement sur Okinawa par l'armée Américaine en juin 1945, le château a été réduit en cendres.
Pour fêter le 20e anniversaire de la restitution d'Okinawa qui a eu lieu en 1972, le gouvernement japonais a décidé de restaurer le château de Shuri suivant un plan de 1846 et il a été rouvert au public en 1992.
La porte de Shurei
Porte de Shurei
Située à l'ouest du château, cette porte a été utilisée pour accueillir une procession de l'ambassadeur chinois. Comme tous les bâtiments du château, elle a été complètement détruite pendant la deuxième guerre mondiale mais restaurée en 1958.
Le gouvernement japonais a choisi cette porte comme le motif d'un nouveau billet de 2000 yens. Mais ce choix a provoqué une ire chez des nationalistes japonais car l'écriteau dressé au haut de la porte est marqué "Shurei no kuni" c'est-à-dire "le pays qui respecte le protocole", bref "Okinawa veut toujours obéir à l'empereur chinois".

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